Je me souviens.
Venise la blanche, marchande sur les eaux. Ses verreries doivent leurs chatoiements à une plante d’Orient.
Je suis dans ma chambre à songer. Je l'ai vu dans le palais de mon père parmi les marchands de l'orient. Il rayonnait, et mon coeur a bondi vers lui.
Je songe, à cette filiation dont je dois être objet. A ce prétendant sans couleurs. A la raison de mon père. Au silence de ma mère.


A peine née je dois faire naître. A peine, je dois promettre, au jour son matin son midi son soir et sa nuit, et son demain. Son père. Son fils. Son frère. Faire, trace, parole, encore, en chair. Recommencer?
Je tiens la continuité. Je suis l'une et je suis toutes. Revêtue de tant de regards, à peine si on me voit. Racine de tant de départs, à peine si on me reçoit? Je suis la proche, la présente, celle que tout le monde connaît. La vierge au corps sublimé, la prostituée au corps déprécié, le vertige de l'origine. Je suis l'animal maternel et mon corps doit être don. Fonction. Acceptation?

Il y a la nature, du verbe naître. Et il y a celle qu'on prie pour se relier à plus grand que soi et soutenir la fatalité des jours. La vierge–mère, cette image que l'on retrouve dans toutes les cultures ; avec le déluge, danger de l'engloutissement du féminin?
Dans ces motifs qui surtissent ma condition je m'interroge. D'une vierge l'autre. Celles de l'Antiquité avaient toutes amants et enfants, alors quoi? De quelle virginité parle–t–on? De quelle qualitĂ©?

Je devrais porter un oui tel qu'il m'écrase. Je devrais incarner un non tel qu'il me taise. Le oui est–il une soumission ou une puissance? Le non est–il une errance ou une affirmation? Et l'un peut–il être sans l'autre?

A peine si on me voit, pourtant c'est de moi que naissent tous les commencements, toutes les voix, toutes les fois. Toutes les éternités. Jusqu'à la consommation des siècles je suis celle qui doit?

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